Géographie
Le Bhoutan est habituellement divisé par les auteurs en
troisgrandes zones géographiques :
Plaine des Duars
La plaine des Duars (Daurs) au sud du pays est une étroite bande
de terre d'une quinzaine de kilomètres de largeur et d'une altitude
d'environ 300 mètres. C'est une zone chaude et humide
recouverte de forêts tropicales et de savanes dont la mise en valeur
est amorcée.
Moyen
Himalaya
Au nord de cette étroite plaine, sélève le Moyen
Himalaya. Ces montagnes sont recouvertes de forêts denses et abritent des vallées
fertiles au centre du pays.
Grand
Himalaya
Plus au nord encore s'élève le Grand Himalaya avec ses sommets
recouverts de neige, ses pâturages alpins où broutent les yacks
durant les mois dété et dont la plus haute montagne, le
Kula Kangri culmine à 7 554 mètres daltitude
formant frontière avec la Chine.
Population
La
population du Bhoutan est difficile à établir. Les chiffres varient selon les sources : entre 600 000 et un peu plus de 2,2 millions d'habitants.
Démographie
Le premier recensement national au Bhoutan (1969) indiquait 930 614 habitants. En 1988, les projections établies par le Gouvernement bhoutanais indiquaient près de 1,4 millions, un chiffre concordant avec l'estimation des Nations Unies. Toutefois, en 1990, le nombre réel se situait vraisemblablement à moins d'un million, d'habitants selon la U.S. Library of Congress (Country Studies-Bhutan), le Gouvernement du Bhoutan citant lui-même 600 000 habitants dans les années 1990. La non concordance des données démographiques résultent vraisemblablement, en partie du moins, de la décision du Gouvernement bhoutanais de ne plus considérer comme Bhoutanais, les Népalais résidant au Bhoutan. La CIA World Factbook indique 682,321 habitants selon une estimation de juillet 2008). Toutefois, d'autres sources continuent à indiquer 2,2 millions d'habitants !
Composition
La population du Bhoutan est essentiellement constituée de trois groupes
ethniques : les Bothias, les Scharkopas et les Lhotsampas.
BOTHIA
Les Bothias,
parfois appelés Drukpas (peuple du dragon-tonnerre)
ou Ngalops, sont majoritaires. D'origine mongoloïde et de culture tibétaine,
ils parlent le dzongkha, la langue officielle du pays, et constituent
le groupe le plus influent politiquement. Leur religion est rattachée à la
secte bouddhiste Drukpa Kagyapa. Habitant les vallées centrales et l'ouest du pays où ils
sont cultivateurs, de même que le Haut Himalaya où ils mènent une vie
semi-nomade comme éleveurs de yacks, leur système social est
basé sur la famille patriarcale. L'héritage familial est cependant
transmis également aux hommes et aux femmes. Le mariage « romantique » côtoie
le mariage « arrangé ». Dans les couches de
population moins aisées, les jeunes gens décident tout simplement
d'habiter ensemble et déclarent ainsi leur mariage sans autre formalité.
Les divorces sont fréquents. De toutes les étapes de l'existence,
la mort est sans doute celle qui donne lieu aux rituels les plus importants
puisqu'elle est en même temps renaissance. Le passage dans une autre
vie doit donc se faire de la façon la plus favorable possible. Dès
le décès, des moines viennent réciter le Livre des morts pour
guider le défunt vers sa nouvelle vie. La dépouille est placée
sur un bûcher ou dans une construction de bois à laquelle on
met le feu. Le deuil peut durer de 3 à 49 jours selon l'aisance de
la famille.
SHARKOPA
Les Sharkopas sont
traditionnellement liés aux Bothias. On croit que ces tribus, s'apparentant
aux populations de l'Assam, de l'Arunachal Pradesh (Inde) et de la Birmanie étaient
déjà installées au pays bien avant l'arrivée
des Bothias venus du Tibet. Les Sharkopas habitent principalement l'est du
pays et sont adeptes du bouddhisme tibétain. Leur pratique religieuse
incorpore, comme en maints endroits dans le haut Himalaya, des croyances
animistes et des rituels chamanistes empruntés à la religion
bön prébouddhique. Pratiquant la culture sur brûlis, ils
brûlent la végétation, cultivent la terre pendant un
certain nombre d'années et vont s'installer ailleurs lorsque la terre
n'est plus productive.
LHOTSAMPA
Les Lhotsampas sont
d'origine népalaise. Ces populations se sont installées au Bhoutan à partir
du début du XXe siècle. Comptant pour environ 30% de la population (40% selon certaines sources dans les années 1980) et habitant principalement le sud du pays, ils sont majoritairement
hindouistes, parlent le nepali et obéissent aux prescriptions du système
de castes typique de leur pays d'origine. Ils appartiennent aux hautes castes
brahmanes et chhetris et, dans une moindre mesure, aux ethnies népalaises
gurung, tamang, limbu, rai et sherpa. Ils sont principalement agriculteurs.
Contrairement à la situation au Népal où hindouistes et
bouddhistes se côtoient dans l'harmonie et la tolérance, ici,
les différences culturelles semblent avoir créé un clivage entre les communautés.
Sentant sa culture menacée, la majorité drukpa a mis en oeuvre
des mesures pour forcer l'acculturation des immigrés népalais.
Ces mesures ont eu pour résultat de dépouiller de leur citoyenneté bhoutanaise
de nombreux immigrés. Bon nombre d'entre eux se sont vus forcés
de quitter le Bhoutan tandis que d'autres ont pris volontairement le chemin
de l'exil.
Quelques auteurs distinguent en outre des tribus indigènes vivant dans des villages dispersés à travers le pays. Culturellement et linguistiquement rattachées aux populations du Bengale occidental et de l'Assam, elles obéissent pour l'essentiel aux prescriptions du système social hindouiste et pratiqent l'agriculture.
Société traditionnelle
Le petit royaume du Bhoutan a longtemps vécu replié sur lui-même. Avant 1960, il n'y avait pas de ville au
Bhoutan. Depuis, des routes ont été construites
et quelques villages sont devenus des centres urbains tels Thimphu (Thimbu)
la capitale, Paro et Phuntsholing. La télévision n'est arrivée au Bhoutan qu'en 1999.
Monastère de Taktsang | Paro
Le
Bhoutan est une société essentiellement rurale.
Près de 90% de la population pratiquent l'agriculture
ou l'élevage. Les forêts sont abondantes et des
mesures ont été prises pour les protéger.
L'industrie a commencé à se développer dans
le sud du pays et des voies commerciales ont été ouvertes,
principalement avec l'Inde et le Bengladesh.
Dzong Rinchenpong | Paro
Au
coeur de la plupart des vallées bhoutanaise se dresse un dzong, un monastère-forteresse
abritant la communauté monastique locale de même que les bureaux
régionaux de l'administration civile.
Le pays, aidé principalement par l'Inde et bénéficiant
d'une aide étrangère importante, a amorcé son passage vers le XXIe siècle en mettant de l'avant une politique de modernisation qualifiée
de « voie de développement mesuré ».
Le Bhoutan veut relever le défi du développement
en sauvegardant ses valeurs et son héritage culturel tout
en préservant l'environnement.
Transition démocratique
Situation pour le moins singulière, le Bhoutan a entamé son processus vers la démocratie en 2001 sous l’impulsion du roi Jigme Singye Wangchuck. Ce dernier, très populaire auprès de la population, a lui-même amorcé la transition pour transformer la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle afin d'introduire la démocratie dans le pays. Il a abdiqué en décembre 2006 en faveur de son fils, Jigme Khesar Nagmyel Wangchuck, formé à Oxford, à qui il a demandé d'organiser des élections. Le
Bhoutan est officiellement devenue une monarchie constitutionnelle avec l'élection d'une Assemblée nationale en mars 2008.
C'est l'ex-roi Jigme Singye Wangchuck qui a imaginé en 1974 une politique unique au monde s'appuyant sur le fameux concept du Bonheur national brut, visant à promouvoir l'idée que le bien-être des citoyens doit passer avant la croissance économique. Ce concept constitue depuis une sorte de cadre général pour toutes les politiques publiques du pays.
Ainsi, si le revenu moyen ne dépasse pas les 1 000 euros par an, les systèmes éducatif et de santé sont en revanche gratuits. La corruption n’existe quasiment pas, la qualité de l’administration est impressionnante, dit-on, et la préservation de l’environnement est une haute priorité nationale, dont l'Occident et les pays émergents de l'Asie auraient avantage à s'inspirer.
Mode de vie
Selon
Françoise Pommaret (1991), une ethnologue ayant séjourné au
Bhoutan en qualité de conseillère du gouvernement,
les valeurs traditionnelles imprègnent le mode de vie
des Bhoutanais. La plupart des habitants possèdent leur
terre et il n'y a pas de famine au Bhoutan. Le bouddhisme est
omniprésent et teinte tous les aspects de la vie collective.
Les religieux exercent une grande influence sur les affaires
de l'État. Une bonne partie de la communauté monastique
est d'ailleurs subventionnée par le gouvernement. Le Je
Khenpo, l'abbé suprême, est assisté par quatre
moines ayant rang de ministre. Bouddha, Guru Rimpoche et d'autres
divinités tantriques sont vénérés
par la population. Les moines sont influents et très respectés.
Ceux qui ne sont pas subventionnés sont soutenus par les
populations locales.
Fête religieuse au Bhoutan
Développement mesuré
Le
Bhoutan semble engagé sur la voie du développement
et de la modernisation. Un développement que l'on qualifie
là-bas de mesuré. La protection de l'environnement
et de la culture traditionnelle constituent les priorités
du gouvernement. C'est sans doute ce qui explique que le gouvernement
pratique une politique restrictive en ce qui a trait au tourisme.
En 1997, à peine plus de 5 000 touristes ont pu visiter
le pays. Le Bhoutan n'entend pas faire du tourisme, l'un des
axes de son développement. Selon Françoise Pommaret,
il semble trop tôt pour juger si la politique du développement
planifié et mesuré permettra ici d'éviter
les erreurs commises ailleurs.
Dzong au Bhoutan
Réfugiés bhoutanais
Au
début du XXe siècle, de nombreux Népalais
sont venus s'établir dans le sud du pays. Vu leur nombre
sans cesse croissant, et constatant leur grand attachement aux
traditions culturelles de leur pays d'origine, le gouvernement
légiféra en 1959 pour interdire leur établissement
dans les vallées centrales du pays afin de préserver
la culture drukpa.
MOUVEMENT DE CONTESTATION
Lorsque le Bhoutan s'engagea
sur la voie de la modernisation, le pays fut exposé aux
idéologies politiques et aux valeurs démocratiques
typiques des sociétés dites modernes. Des dissensions
virent le jour. Considérant que le développement
du pays alimentait un mouvement d'opposition plutôt que de
support à la monarchie, des mesures furent mises de l'avant
en 1985 pour enrayer la contestation.
MESURES COERCITIVES
L'une de ces mesures avait
pour but avoué d'affaiblir l'influence des immigrés népalais,
alors considérés comme une menace à la monarchie
absolue et à la culture drukpa. La langue dzonkha devint obligatoire
pour tous les citoyens de même que le port des vêtements
traditionnels bhoutanais. La pratique de l'hindouisme fut interdite.
Les immigrés népalais s'opposèrent fermement à ces
mesures, ce qui fut interprété par les autorités
comme un geste de rébellion.
EXIL DES IMMIGRÉS NÉPALAIS
Le gouvernement durcit le ton en
adoptant une nouvelle législation pour établir de nouveaux
critères donnant droit à la citoyenneté bhoutanaise.
Les législatioons antérieures à cet effet
furent annulées, ce qui priva une large part des Bhoutanais
d'origine népalaise de leur citoyenneté. L'opposition
s'exprima sur la place publique et des appels furent lancés
en faveur de l'instauration de la démocratie. L'armée
fut envoyée sur place pour réprimer la contestation.
Des gestes d'intimidation auraient par la suite été commis à l'endroit
des immigrés d'origine népalaise, dont bon nombre
quittèrent le pays, de gré ou de force. Plus de 100 000
personnes prirent la route de l'exil. Ils vivent désormais
au Népal dans des camps de réfugiés sous l'égide
du Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés.
Toutes les démarches entreprises depuis auprès du
Bhoutan se sont avérées infructueuses.
La légende
de Shangry La
Depuis
la publication de Lost Horizon en 1933, on a vainement
cherché ce paradis mythique, niché au coeur de l'Himalaya, surnommé Shangry La par le romancier américain James Hilton.
Certains croient l'avoir trouvé au Bhoutan. Si le Bhoutan semble vouloir s'engager résolument dans le XXIe siècle, en tâchant d'éviter les pièges de la croissance à tout prix, les conditions de vie au quotidien n'y sont pas pour autant faciles.
Le relief et le froid en haute altitude, de même que l'absence
de technologies modernes, exigent des éleveurs semi-nomades
du nord et des cultivateurs des vallées centrales, un
dur labeur pour s'adapter à ce milieu qui n'a peut-être de paradisiaque
que l'apparence. Mais le concept du Bonheur national brut, qui fait couler beaucoup d'encre, est peut-être en voie de conférer au Bhoutan, l'image d'un Shangri La. Les réfugiés bhoutanais expulsés de leur pays ne seront certes pas de cet avis.
Carte géographique
Carte du Bhoutan
Crédits photo
© Alain
Chenevière
© André Désiront