Le yeti
Que pensent les scientifiques
De nombreuses hypothèses ont été formulées pour expliquer la véritable nature du yeti. Parmi ces hypothèses, lesquelles sont citées le plus souvent ? Quel est aujourd'hui, l'état de la réflexion sur cette question ?
Gigantopithèque, singe anthropoïde, ours himalayen ?
Certains scientifiques ont avancé qu'il pourrait s'agir de descendants du Gigantopithèque, un singe qui aurait vécu en Asie il y a une dizaine de millions d'années, dont on croyait la race éteinte. Certains adeptes de la théorie des fossiles vivants sont allés plus loin et croient à la survivance de quelques Néandertaliens qui se seraient retirés dans les habitats les plus inaccessibles de l'Himalaya, comme ce pourrait être le cas d'une sorte d'hommes sauvages, désignés localement sous le nom d'almas, vivant dans certaines régions isolées de l'Altaï en Mongolie. Le yeti serait ainsi le dernier survivant des ancêtres de l'homme ayant dû se réfugier dans un habitat isolé pour se protéger de l'Homme de Cro-Magnon, duquel nous descendons directement. Hypothèses sérieuses pour les uns, farfelues pour les autres !
Le yeti serait pour certains un ours himalayen ou tibétain qui se serait aventuré dans les forêts et les plus hauts pâturages himalayens et qui se serait adapté à un environnement alpin. Toutefois, l'ours est incapable d'adopter une démarche bipède sur plusieurs centaines de mètres comme le laissent supposer plusieurs traces laissées sur la neige par ce que l'on croit être le yeti. La présence d'un gros orteil sur le côté intérieur des empreintes de ses pas écarte aussi l'hypothèse de l'ours. Enfin, les descriptions du yeti laissent croire bien davantage à un primate qu'à un ursidé.
Pour d'autres, le yeti serait un singe anthropoïde encore inconnu, bipède comme le gibbon, qui s'apparenterait à l'orang-outan arboricole de Sumatra et Bornéo. Une sorte d'orang-outan terrestre. De nombreux témoins sembleraient rapprocher le yeti de l'orang-outan lorsqu'ils examinent les photos de primates qu'on leur montre.
Petit yeti, grand yeti, homme sauvage !
La variété des hypothèses a conduit certains experts à reconnaître que le terme yeti est quelque peu réducteur. Les témoignages examinés sembleraient indiquer la présence de deux ou trois créatures distinctes.
Les Sherpas utilisent le mot chuti pour décrire un grand animal à toison roussâtre qui ressemblerait à un ours noir de la région du Solu (Népal). Le yeh-teh (meh-teh chez les Tibétains) serait l'animal à l'aspect humain, marchant debout, plus petit que le chuti, qui aurait été aperçu occasionnellement dans le Khumbu plus au nord. Le migou (migo ou migueu) rencontré dans la littérature tibétaine serait confondu avec le yeti mais référerait plutôt à une créature désignée homme sauvage dont l'aire de dispersion serait beaucoup plus vaste que celle du yeti.Selon Bernard Heuvelmans (1955), l'Homme-des-neiges himalayen,auquel réfèrent les populations de l'Himalaya, pourrait recouvrir en réalité trois types distincts de primates. Le petit yeti (yeh-teh oumeh-teh), de taille modeste, serait le plus célèbre et vivrait essentiellement au Népal, au Sikkim en dans l'Himalaya indien. Le grand yeti mesurant plus de deux mètres, serait signalé le plus souvent dans le sud de la Chine et en Indochine. Enfin, l'homme sauvage, appartenant au genre Homo, se retrouverait sur une aire de dispersion beaucoup plus vaste couvrant presque toute l'Asie, depuis le caucase jusqu'à l'Indochine, incluant l'Hindu Kush, le Pamir, le Cachemire et la Mongolie.
Les meilleures descriptions dont on dispose concerneraient le yeh-teh (petit yeti). Il s'agirait d'une créature humanoïde possédant une fourrure rousse, dont la taille se situerait entre 1,40 et 1,70 mètres, ayant une tête pointue, de longs bras et se déplaçant en position bipède sauf pour courir alors qu'il utiliserait ses quatre pattes. Son comportement se rapprocherait de celui d'un singe. Même s'il aurait été vu traversant les champs de neige du haut Himalaya, son habitat naturel serait les forêts de rhododendrons des hautes vallées. C'est à la lisière de ces forêts qu'il aurait été observé le plus souvent .
Les preuves
L'examen des faits présentés en preuve de l'existence du yeti conduit à un constat pour le moins mitigé. Le scalp de yeti conservé au monastère de Khumjung (Népal) s'est avéré être celui d'une chèvre sauvages que les Sherpas utilisaient pour évoquer le yeti dans certaines de leurs cérémonies religieuses. La main momifiée conservée au gompa de Pangboche (Népal) serait de l'avis de certains, une supercherie.
Les poils d'un supposé yeti ont été étudié par un scientifique du Museum national d'histoire naturelle. Conclusion : ces poils auraient appartenu à un primate roux proche de l'orang-outan mais qui, de toute évidence, n'en était pas un. Des excréments de yeti auraient révélés la présence de parasites intestinaux inconnus jusqu'alors de la science, indiquant en même temps que l'animal qui était leur hôte était inconnu.
Les traces de pas observées dans la neige, parfois sur plusieurs centaines de mètres, feraient preuve d'une démarche bipède. Elles indiqueraient souvent la présence de quatre doigts (ce qui étonne) dont un gros orteil.
En somme, il n'y a aucune évidence prouvant hors de tout doute l'existence du yeti. Il n'a jamais été photographié. Les experts ne s'entendent pas sur les empreintes de pas observées sur la neige. Les détracteurs du yeti font surtout valoir que ces traces pourraient être celles d'un ours une fois élargies et déformées par la fonte de la neige. Pour expliquer la posture relevée dont semblent témoigner certaines empreintes, certains ont même avancé que les ours de ces régions pouvaient marcher en plaçant les pieds arrières dans les traces laissées par les pieds avants, laissant ainsi croire à une démarche bipède. Une hypothèse tout de même un peu fantaisiste, convenons-en !
On allègue aussi que les montagnes de l'Himalaya sont sillonnées depuis plusieurs décennies par de nombreuses expéditions alpines. Pourtant, les témoignages sont peu nombreux et toujours fragmentaires. Néanmoins, ceux qui y croient font valoir que le yeti peut difficilement être aperçu parce qu'il vit dans les coins les plus reculés et les plus sauvages de l'Himalaya où peu d'hommes osent s'aventurer. Hutchison ajoute que le yeti semblerait se déplacer surtout la nuit.
Que conclure ?
Vivant dans un environnement gigantesque, subissant constamment les soubresauts d'une nature indomptable, les Sherpas auraient-ils trouvé dans le yeti, une explication à certains événements mystérieux en intégrant cette créature dans leur univers mental ? Que penser alors des Occidentaux qui ont suivi ses traces ? Tous des fumistes ? Et les photos d'empreintes de pas pour lesquelles on ne trouve aucune explication ?
Pour l'ethnologue Marc Gaborieau, le yeti n'existe pas. Les Sherpas l'ont rendu populaire comme les Écossais l'ont fait avec leur monstre du Lock Ness. Qu'en est-il alors du meh-teh des Tibétains, du migoï des Bhoutanais, du tedmo des Zanskaris, du neeguyed des Sikkimais et du junglyman des populations musulmanes vivant dans la chaîne du Karakoram ? Des mots différents pour traduire une même réalité... celle de l'Homme-des-neige.
Yves Coppens, paléoanthropologue et spécialiste de l'évolution humaine, préfère garder l'esprit ouvert. Il est encore très difficile de démêler les faits de la légende, fait-il remarquer. Selon lui, ce singe pourrait avoir survécu en petites bandes dans les endroits les plus reculés. Et pourquoi pas dans l'Himalaya ! Mais cela reste à démontrer, précise Yves Coppens qui conclut ainsi :
« Nous connaissons aujourd'hui des animaux dont nous ignorions totalement l'existence il y a quelques dizaines d'années. Rien ne s'oppose à l'existence d'un singe qui serait le dernier descendant du Gigantopithèque ».
Le mystère reste donc entier ! Un seul fait demeure certain : les Sherpas croient à l'existence du yeti, tout comme les autres peuples habitant les versants de l'Himalaya.