Je range mon sac à dos de jour dans le porte-bagages et prends le temps de minstaller confortablement dans le fauteuil qui m'a été assigné, côté hublot. Dehors, il fait encore nuit. Sur le tarmac, des employés s'affairent à dégivrer l'appareil puisqu'il a gelé la nuit dernière. Je pense aux miens. Dans leur physionomie, j'ai lu à la fois joie et inquiétude. J'éprouve un sentiment semblable, ému de cette longue séparation mais heureux de partir.
Himalaya ! Ce mot, je l'ai trouvé beau avant même de savoir ce qu'il signifiait. Dans quelques minutes, je m'envolerai vers l'Himalaya. Je prendrai le chemin d'un vieux rêve. Un rêve qui me fascine depuis toujours. J'ai peine à y croire.
Tout à l'heure, les membres de notre petite expédition sont arrivés les uns après les autres. Quatorze trekkeurs ne se connaissant pas, prêts à affronter le défi d'un trekking au camp de base de l'Everest. L'aérogare, encore déserte à cette heure matinale, s'animait peu à peu tandis que les familiers de chacun faisait timidement connaissance et, qu'embourbés dans leurs bagages, les coéquippiers s'entraidaient les uns les autres. Bon signe, il y avait un courant de complicité dans l'air. La solidarité était déjà palpable.
Ma conjointe me suivait partout et veillait à ce que je n'oublie rien, moi le rêveur fou d'Himalaya d'une distraction inqualifiable. Tous agglutinés près de la zone d'embarquement pour profiter des derniers instants avant cette longue absence, le personnel de l'aérogare pressait les voyageurs d'y entrer au plus tôt. Fébrilité, nervosité, émotion. Quelques larmes ici et là parmi les proches, petits et grands, venus assister au départ. Ne trouvant pas les mots, j'ai bafouillé des lieux communs... et entendu leur écho. Les regards furent plus éloquents.
Il fait 70°F à Los Angeles. Il nous faut changer de terminal pour effectuer la correspondance avec le vol en partance pour Bangkok. Le prochain départ étant à 17h40 non 14h40, nous avons quelques heures à tuer. « Partant pour une bonne bière froide » demande Pierre ? La proposition fait évidemment consensus. Un bar comme on en voit dans toutes les aérogares, des bières américaines bien froides à la main, nous faisons connaissance. « Avez-vous réalisé d'autres treks d'envergure ? » « Est-ce votre première en Himalaya ? » « Pourquoi le Népal ? » Chacun y va de de ses questions. Le cercle s'élargit. On se raconte un peu.
Il sera bientôt l'heure. L'un d'entre nous vérifie les cordonnées du prochain départ sur sa carte d'embarquement. « Quelle carte d'embarquement? », demande le grand Sylvain. Nous avons tous une carte d'embarquement pour le vol à destination de Bangkok. Sauf lui ! Sylvain part à grandes enjambées.
Alors que nous nous dirigeons vers la zone d'embarquement, après un moment qui nous a semblé interminable, Sylvain, tout juste de retour, essoufflé, détrempé et tenant sa carte d'embarquement à deux mains, raconte sa mésaventure. Il s'est rendu au guichet de Thai Airways pour obtenir sa carte d'embarquement. Là, une agente lui apprend que ses bagages ont été débarqués. Il doit immédiatement les récupérer au terminal d'arrivée au pas de course. Heureusement, les bagages étaient encore là. Le temps presse. Retour au terminal Tom Bradley... au pas de course. Enregistrement des bagages, carte d'embarquement. Il était moins une.
Une longue étape que la traversée du Pacifique; un vol d'une vingtaine d'heures. Nous ferons cependant escale à Tokyo-Narita. Mes points de repères diminuent d'heure en heure. Il devrait faire nuit maintenant. Pourtant, le soleil brille toujours. Je me prépare à dîner alors que je devrais dormir. Il ne peut y avoir recette plus parfaite pour détraquer l'horloge biologique. Enfin, le soleil pâlit. Quelle heure est-il ? Heure de Montréal ? Heure de Los Angeles ? Heure de Tokyo ? Ça recommence. J'en ai assez. Je règle ma montre à l'heure locale... pour laisser derrière l'Amérique et franchir mon premier pas vers l'Asie ! Je m'assoupis.
Le capitaine, non... pas Haddock, le capitaine-pilote annonce l'atterrissage à Bangkok. L'horloge de l'aérogare indique 00h40. Nous ramassons nos bagages. Stéphane ne trouve pas les siens. Ils seraient en transit pour Katmandou. Les bagages, c'est notre hantise. Aussi, Stéphane s'est mis en tête de récupérer les siens comme tout le monde. Le temps passe, nous faisons les cent pas dans l'aérogare. La navette qui doit nous mener à l'hôtel sera-t-elle au rendez-vous ? Daniel part au devant pour informer le conducteur de la navette de ce contretemps. Pas de navette. Il réquisitionne des taxis et tâche de faire patienter les chauffeurs. Mal à l'aise et n'en pouvant plus d'attendre, Stéphane veut aller examiner les bagages en transit. Longue discussion avec des employés hésitants, ne sachant que faire ! Seul, d'un pas décidé, il disparaît derrière une porte... et revient au bout de quelques minutes à peine, avec son gros duffle bag noir. Nous sommes en Asie ! Il faudra s'y faire. Vite à l'hôtel.
Le lobby grouille de ces Québécois étirés, fatigués mais jacasseurs tout de même. On m'attribue une chambre, que je devrai partager avec un coéquipier. Avisé que je suis un ronfleur hors pair, Jean-Guy se porte malgré tout volontaire. Il y aura pire au cours des jours à venir, dit-il. À partir de maintenant, nous cohabiterons et partagerons les chambres d'hôtel et la même tente sur tout le parcours du trek.
La chambre est spatieuse. La douche n'est pas un luxe cette nuit. Malgré la fatigue, j'ai un mal fou à me tirer de là. Il est près de 3h00 lorsque je me couche et réussis enfin à dormir quelques petites heures avant que ne retentisse la sonnerie du réveil.
Nous filons à l'aéroport sur une autoroute congestionnée et quittons Bangkok avec Thai Airways. Le petit déjeuner est à peine servi que nous survolons déjà les moyennes montagnes népalaises avec ses forêts, ses champs en terrasse et les petits villages qui y sont perchés. Moyennes montagnes ! Hum... elle sont énormes. Ce n'est pourtant qu'une première image de la démesure des chaînes himalayennes. Une autre, plus impressionnante encore, ne tarde pas à voler la vedette. Des voyageurs étirent le cou en s'exclamant. D'autres se lèvent, en quête d'un hublot. Au loin commencent à se profiler quelques sommets enneigés. L'Everest se laisse timidement apercevoir.
Au loin... l'Himalaya
En bas, on devine la vallée de Katmandou avec ses champs cultivés et ses petites agglomérations. L'avion se pose sur la piste. Ici, pas de corridors qui n'en finissent plus. Nous marchons sur le bitume en direction de l'aérogare sous l'il scrutateur de soldats, délimitant autour des voyageurs, un périmètre de sécurité. Mesure de précaution face aux extrémistes maoïstes ou reliquat d'une époque, pas si lointaine, où le Népal était fermé à tout étranger. Nous faisons la file. Des fonctionnaires, au rythme lent, scrutent les passeports et les visas. Estampilles et initiales griffonnées avec soin sur les pages de nos passeports À nous le Népal.
De Montréal, deux options sont possibles. La première: l'Atlantique, l'Europe et Delhi ou Doha. La seconde: Los Angeles, le Pacifique et Bangkok. Nous avons opté pour le Pacifique en voyageant avec Air Canada et Thai Airways.
Coût du billet d'avion : 2 000 $CAN (tarif de groupe). Un voyage d'une quarantaine d'heures, dont pas moins d'une trentaine en vol, comportant plusieurs escales :
Montréal-Toronto:
1 h 30 min.
Air Canada
Toronto-Los
Angeles: 5 h 15 min.
Air Canada
Los
Angeles-Tokyo Narita: 14 heures
Thai Airways
Tokyo
Narita-Bangkok: 5 heures
Thai Airways
Bangkok-Katmandou:
3 h 30 min.
Thai airways.
Situation
: entre la Chine et le Tibet
Superficie
: 147 181 km²
Population
: 29 millions d'habitants (2023)
Croissance
de la population : 0,92%/an
Alphabétisme
:72% (urbaine0; 43% (rural)
Espérance
de vie : 69 (2020)
Urbanisation
: 22%
Langue
officielle : nepali
Religions
: hindouisme, bouddhisme
Politique
: république fédérale
Climat
: de subtropical à polaire
Point
culminant : Everest 8 850 m
Aux trekkeurs qui l'interrogent relativement au meilleur livre à consulter en vue d'un voyage en Himalaya, Henri Sigayret (1997) se plaît à répondre Tintin au Tibet.
Tintin au Tibet : atterrissage à Katmandou, longue marche de Tintin, Haddock et Milou, accompagnés de porteurs, dans la haute chaîne de l'Himalaya, chortens protégeant les cols, moines et lamas aux pouvoirs mystérieux, découverte du yeti, si laid mais pas du tout abominable. Une oeuvre imaginaire où abondent quantité de détails véridiques. Où les émotions sont palpables, les liens de l'amitié omniprésents et les méchants totalement absents. C'est dans cette heureuse perspective que j'ai relu l'aventure himalayenne de Tintin, une étape incontournable avant d'entreprendre mon périple.
Bien sûr, il ne faut pas s'arrêter là. Le futur voyageur a intérêt à bien se documenter avant de partir pour le Népal, un pays aux reliefs variés donnant lieux aux contrastes les plus saisissants. Une véritable mosaïque raciale et culturelle où cohabitent croyances hindouistes, cultes bouddhistes et pratiques chamanistes. Une société fort complexe dominée par un système de castes qui, même si officiellement aboli, continue à distinguer les purs des impurs.
Survoler
le Népal en avion est franchement impressionnant. Certes la
vue sur les hauts sommets qui se détachent à l'horizon
est superbe mais les vues en plongée sur la vallée de
Katmandou et les moyennes montagnes, découpées en terrasses
et saupoudrées de minuscules villages, sont absolument magnifiques.
Ville de Katmandou
Vallée de Katmandou
Aérogare de Katmandou
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