La conquête de l'Everest
En
1950, le Tibet est envahi par la Chine. L'accès à l'Everest
par le nord est désormais fermé. Par ailleurs, le Népal
ouvre ses portes aux étrangers et la face sud de la montagne
peut désormais être explorée. Une première
expédition de reconnaissance est mise sur pied. Dirigée
par l'Américain Charles Houston, elle traverse la région
du Solu-Khumbu, le pays des Sherpas, et se rend jusqu'à la
base de la cascade de glace. Devant l'impitoyable Khumbu Icefall,
Bill Tilman, membre de l'expédition, conclut que la voie conduisant à la
combe ouest présente d'énormes risques. Pourra-t-on
jamais gravir l'Everest par la route du sud ?
Exploration
de la voie sud
En
1951, une autre expédition approche l'Everest par le côté népalais
mais traverse sans autorisation sur la face tibétaine par
le col Lho La, évitant ainsi le dangereux Khumbu Icefall.
Elle s'avère infructueuse.
La même
année, une expédition britannique de reconnaissance
prend la route du Khumbu. Supportée par la Royal Geographic
Society et le Alpine Club de Londres, elle est dirigée
par Eric Shipton. En font partie, M.P. Ward, T. Bourdillon, W.H.
Murray, H. Riddiford et Edmund Hillary. La montée par la combe
ouest et le col sud est jugée prometteuse par les Anglais.
Mais il faudra définitivement composer avec les risques que
présente le Khumbu Icefall, la plus effrayante chute
de séracs au monde. Les énormes blocs de glace, dont
certains mesurent 25 mètres de hauteur, descendent la pente à raison
d'environ un mètre par jour, risquant à tout moment
de briser l'équilibre fragile et instable de la cascade gelée.
Les équipes doivent traverser la cascade plusieurs fois afin
d'acheminer le matériel vers les camps supérieurs.
La voie est intéressante mais nécessitera davantage
de moyens et une meilleure logistique.
Khumbu Icefall
Tentative des Suisses
En
1952, une expédition suisse se met en route. Dirigée
par E. Wyss-Dunant, elle est constituée des alpinistes G.
Chevalley, R. Lambert, R. Dittert, L. Flory, R. Aubert, A. Roch,
J. Asper, E. Hofstetter. Tenzing Norgay a été embauché comme
sirdar. Norgay et Lambert tentent le sommet mais doivent s'arrêter
au-dessous du sommet sud à 8 595 mètres, soit à 255
mètres du sommet de la montagne. Ils viennent cependant de
battre de quelques mètres le record établit par Edward
Felix Norton en 1924. Une autre tentative, post-mousson cette fois,
se bute à des conditions climatiques défavorables et échoue.
La même année, une expédition russe aurait tenté le
sommet. Les Russes ont toujours démenti cette tentative.
Branle-bas de combat
L'expédition
suisse constitue une véritable onde de choc pour les Anglais.
Malgré toute l'expérience qu'ils ont acquis sur
l'Everest, le sommet a failli leur échapper. Ayant obtenu
du Gouvernement népalais l'autorisation de gravir la montagne
en 1953, les Anglais se lancent dans une opération d'envergure
ayant toutes les caractéristiques d'une campagne militaire.
Le colonel
John Hunt, réputé pour son sens de l'organisation,
est désigné pour diriger l'expédition. Les meilleurs
alpinistes du Commonwealth britannique sont approchés. L'équipe
comprend Charles Evans, George Band, Tom Bourdillon, Alf Gregory,
Wilfrid Noyce, Mike Ward, Michael Westmacott, Charles Wylie, le Dr
Griffith Pughle, le Néo-Zélandais Edmund Hillary et
le Sherpa Tenzing Norgay, non plus comme sirdar mais comme grimpeur.
Enfin le sommet
L'expédition
se met en route le 10 mars 1953. L'ascension débute le 13
avril. La voie choisie est celle de la combe ouest et du col sud
en passant par la face sud du Lhotse, explorée l'année
précédente par l'expédition suisse. Les hommes
transportent l'équipement et les provisions et établissent
graduellement les camps le long du parcours. Le dernier camp, le
camp IX, est établi sur l'arête sud-est de l'Everest à environ
8 500 mètres. Le 26 mai, Bourdillon et Evans se rendent à 90
mètres du sommet. Leurs appareils à oxygène
défectueux les forcent à rebrousser chemin.
Le
29 mai 1953, au petit jour, Edmund Hillary et Tenzing Norgay se préparent à quitter
le camp IX pour donner l'assaut final. Le sommet n'est plus qu'à 350
mètres. Les coéquipiers se mettent en route, grimpent
et franchissent le dernier obstacle, un ressaut de 12 mètres,
appelé depuis Hillary Step (Ressaut Hillary).
Edmund Hillary et Tenzing Norgay atteignent le sommet de l'Everest à 11h30.
Edmund Hillary et Tenzing Norgay au sommet de l'Everest
Pages complémentaires
Edmound Hillary
Tenzing
Norgay
Nous étions debout sur l'Everest...
« Au
bout d'une heure environ, écrit Edmund Hillary, nous fûmes
bloqués par un ressaut rocheux de douze mètres de
haut... À notre droite, une corniche glacée, fendue
par une longue crevasse, surplombait le rocher. Sous la corniche,
3 050 mètres de pente dévalaient vers le glacier
du Kangshung. La corniche résisterait-elle si j'essayais
de passer par là ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir.
Enfonçant mes crampons dans la glace, je parvins à force
de contorsions, utilisant la moindre prise, jusqu'en haut de la
crevasse. Pour la première fois, je fus certain que nous
irions jusqu'au bout. Vers la droite, j'aperçus un dôme
de neige et je continuai à tailler des marches, toujours
plus haut. En moins d'une heure, j'atteignis le sommet de l'arête :
il n'y eut soudain plus rien autour de moi que l'espace, dans toutes
les directions. Nous étions debout sur l'Everest. »
Qui fut le premier ?
À ceux
qui leur demandaient lequel des deux foula le premier le
sommet, Hillary répondait qu'ils se suivaient de
très près tandis que Norgay faisait remarquer
qu'ils grimpèrent l'Everest en équipe. Ce
n'est que plus tard que Tenzing raconta qu'il atteignit
le sommet quelques pas derrière Hillary.
Tenzing Norgay
Logistique
L'expédition
de 1953 a fait appel à trente porteurs d'altitude
et à 300 coolies. Dix tonnes d'équippement
et de provisions ont dû être acheminées
au camp de base puis relayées au cours de nombreuses
montées et descentes aux neuf camps installés
le long du parcours sur la montagne. Une entreprise colossale
menée d'une main de maître par le colonel
John Hunt.
30 ans pour vaincre
l'Everest !
Il
aura fallu une bonne dizaine d'expéditions étalées
sur une trentaine d'années pour vaincre le plus
haut sommet de la terre. « Si l'Everest
s'était laissé conquérir du premier
coup, écrit Walt Unsworth, grand historien de
l'Everest, l'exploit aurait été ovationné,
puis vite oublié. En fait, ce sont les échecs
successifs qui ont donné à la montagne
sa véritable dimension. »
Curieusement,
l'expédition qui conduisit les deux hommes au
sommet était britannique mais les vainqueurs
de la montagne étaient un Néo-Zélandais
et un Sherpa. Les Anglais durent patienter jusqu'en
1975 avant que deux des leurs, Doug Scott et Dougal
Haston, n'atteignent le sommet de l'Everest.