L'homme et la montagne
Les
montagnes sont intimement liées à l'histoire
de l'humanité. Si, pour certaines populations, elles
ont constitué un obstacle, pour d'autres, elles ont
servi de refuge. Cependant, partout et depuis toujours, elles
représentent un défi. Un défi prenant
plusieurs visages : celui du relief, celui de l'altitude
et celui de l'isolement. Ces facteurs conjuguent leurs effets
pour créer des milieux le plus souvent inhospitaliers.
Les hommes ont dû redoubler d'ardeur pour arriver à s'y
installer et à y vivre. Les sociétés qu'ils
y ont érigées restent, pour la majorité,
des sociétés rurales traditionnelles.
Relief
Il
est difficile de se déplacer en montagne,
d'y cultiver la terre et d'y bâtir maison.
Le sol est instable. Les homme doivent déployer
une énergie considérable pour y créer
un milieu de vie capable d'assurer leur subsistance.
Ils doivent composer avec les effets des glissements
de terrain, des avalanches, du gel, du vent et
de la forte pluviosité, ou à linverse,
de la grande aridité du sol selon l'orientation
des versants. Au Népal, en Inde, aux Philippines
et dans le Sud-Est asiatique par exemple, ils ont
construit des terrasses dans le flanc des montagnes
pour pouvoir cultiver la terre. Celle-ci ayant
tendance à glisser sur la pente sous leffet
de la pluie et du vent, ils ont dû ériger
des murets pour la retenir. Ces ouvrages nécessitent
un entretien constant.
Culture en
terrasses au Népal
Champs en terrasses érigés
au fil des siècles par les montagnards afin de pouvoir
cultiver le flanc des montagnes
Altitude
L'altitude
limite la quantité et la variété des
cultures. Lorsque les cultures n'arrivent plus à nourrir
les hommes, ceux-ci tirent alors leur subsistance de l'élevage
en se faisant pasteurs. Ils sont devenus éleveurs
de yacks en Himalaya, de lamas dans les Andes, de moutons
et de chèvres dans la plupart des chaînes de
montagnes du globe.
Les
nomades du Changtang
Isolement
Si
la montagne a pu protéger et offrir un refuge à certaines
populations, elle a contribué par le fait même à les
isoler des grands courants de pensée et des innovations
technologiques et à freiner le pluralisme idéologique.
Les populations vivant en haute altitude et les institutions
qui caractérisent leur mode dorganisation sociale
sont généralement réfractaires au changement.
Leurs sociétés et leurs cultures se caractérisent
par la grande importance qu'elles accordent à la religion.
Presque partout, les croyances et les pratiques religieuses
des peuples montagnards contribuent à forger, dans une
large mesure, leur identité sociale.
Société traditionnelle
Les
sociétés de haute montagne sont des sociétés
rurales traditionnelles passablement différentes des
sociétés modernes dites développées.
Malgré leur tendance à vivre repliées
sur elles-mêmes et leur faible niveau de développement
technologique et économique, qui en font des sociétés
souvent tributaires de l'aide internationale, elles méritent
respect et admiration. Le tissu social y est très
dense. Les communautés montagnardes sont tissées
serrées et l'entraide y est fort répandu. La
famille est valorisée : ses membres, jeunes et
moins jeunes, collaborent aux activités productives
et aux travaux domestiques. Lorsque les aînés
doivent ralentir leur rythme, ils sont pris en charge par
la famille. Le fait pour ces sociétés d'avoir
réussi à s'implanter solidement dans des conditions
aussi difficiles et d'arriver à faire autant avec
si peu témoigne de l'ingéniosité, de
la détermination et de la grande capacité d'adaptation
des hommes qui les ont édifiées.
Changement
Les
modes de vie traditionnels typiques de la haute montagne sont,
presque partout, à des degrés divers cependant,
en voie de transformation. La construction de routes, un meilleur
accès à léducation, l'accroissement
du tourisme et l'aide internationale contribuent à une
certaine modernisation des modes de vie et des manières
de penser, entraînant en même temps les tensions
que crée inévitablement le choc des cultures.
Agropastoralisme
L'agropastoralisme
est le mode de vie le plus répandu dans les grandes
régions montagneuses du globe. En basses et moyennes
montagnes, on pratique la culture en terrasses et l'élevage
du mouton et de la chèvre. En plus haute altitude, l'élevage
devient le principal moyen de subsistance tandis que les cultures
se limitent à quelques céréales nordiques
et quelques variérés de légumes. L'élevage
revêt plusieurs formes.
PASTORALISME
Certaines populations pratiquent
une forme de vie pastorale de montagne. Elles exploitent
le haut et le bas des versants des montagnes. Le déplacement
des troupeaux est principalement vertical. Tandis que les
troupeaux paissent dans les hauteurs lété,
ils sont ramenés en basse altitude, lhiver.
Les pasteurs accompagnant les troupeaux en hauteur vivent
dans des habitations temporaires.
TRANSHUMANCE
D'autres populations pratiquent
plutôt la transhumance. Les troupeaux sont conduits
dans une zone de pâturage éloignée. Les
troupeaux transhument des pâturages dété aux
pâturages dhiver accompagnés des bergers
tandis que le reste de la population sédentaire sadonne
aux activités agricoles dans les villages.
NOMADISME
Pour dautres encore, la
famille se déplace avec ses troupeaux et toutes ses
autres possessions. Les nomades nont pas dhabitations
permanentes. Ils vivent sous la tente et exploitent leurs
troupeaux qui leur fournissent le lait, la viande, le vêtement,
le matériau pour le gîte et la bouse pour alimenter
le feu. Les véritables populations
nomades se font de plus en plus rares. De plus en
plus de familles nomades se convertissent au semi-nomadisme
en adoptant des quartiers d'hiver où elles vivent
quelques mois par année et entreposent quelques biens.
Nomade khampa au Tibet
Échanges et troc
Les
groupes humains vivant en montagne ont en outre développé des
réseaux déchanges afin de diversifier
leurs moyens de subsistance. Ainsi, les pasteurs et les nomades
fournissent aux fermiers la laine, le beurre et d'autres
produits de leurs élevages en retour de céréales,
de légumes et de fruits cultivés en plaine
et en basse montagne. Plusieurs routes caravanières
centenaires sont encore utilisées de nos jours dans
les régions les plus reculées de l'Himalaya.
Le plus haut habitat humain
Il
y a passablement de confusion dans la documentation au sujet
du plus haut habitat humain permanent. La plupart des auteurs
consultés le situe à un peu moins de 5 000
mètres d'altitude. Au-delà de cette altitude
affirme-t-on, les humains n'arriverait pas à s'installer
de façon permanente en raison de l'âpreté des
conditions de vie.
Changtang et Aconquilcha
Il est toutefois
fait mention que des familles tibétains nomadisent à environ
5 400 m d'altitude au Changtang occidental sur
le plateau tibétain. Un habitat permanent
se situerait à 5 940 mètres
près des mines d'Aconquilcha bordant la frontière
séparant la Bolivie et le Chili dans les Andes.
Siachen au Cachemire
Dans le cadre du conflit frontalier
opposant l'Inde et le Pakistan, des soldats indiens et pakistanais
auraient établi leur camp respectif à 6 550 m
près du glacier Siachen au Cachemire (chaîne
du Karakoram) et y vivraient en garnison selon le professeur
Piers Nye de l'Université d'Oxford. Mais, il ne s'agit
pas ici d'un habitat permanent au vrai sens du terme.
Crédits photo
© Michel Lagarde