À l'exception des habitants de quelques centres urbains, les populations de l'Himalaya sont essentiellement agropastorales. Agriculture intensive dans les basses terres, culture en terrasse en moyenne altitude, pastoralisme combiné à une agriculture de subsistance en haute altitude et nomadisme sur les hauts plateaux constituent sur toute la superficie de la chaîne, autant de modes de vie qui ont permis à l'homme de s'adapter à ce milieu difficile et d'y vivre. À la grandeur de l'Himalaya, le commerce est largement pratiqué entre les populations habitant les collines, les hauts plateaux, la haute montagne et les plaines environnantes. Il permet aux uns de fournir aux autres les denrées et les biens dont leur mode de subsistance les prive.
Himalaya inférieur
Dans les basses terres du Népal (Teraï), du Bhoutan (Duars) et du Sikkim (Inde), de même que dans les vallées du Cachemire et les vallées de Kangra et de Chamba en Himachal Pradesh (Inde du nord), on pratique l'agriculture intensive. Le climat des basses terres favorise la double récolte annuelle.
D'une manière générale, entre 1 200 et 2 000 mètres, du Cachemire au Sikkim, les cultures kharif ou d'été (riz, maïs) prépondérantes en raison des pluies de mousson, succèdent aux cultures rabi ou d'hiver (blé, orge, pommes de terre). On y pratique aussi la culture d'arbres fruitiers (abricotiers, pommiers, amandiers, châtaigniers).
Moyen Himalaya
Dans les moyennes montagnes du Népal, du Sikkim, du Bhoutan et dans les vallées tempérées de la Nubra et de la Shyok au Ladakh, on pratique la culture en terrasses en étageant le flanc des montagnes pour y faire pousser du blé, de l'orge, du sarrasin et des pommes de terre.
Les cultures en terrasses (ci-dessus près de Barabise) sont utilisées pour la culture du riz en dessous de 1 500 mètres et de l'orge au-dessus de cette altitude. Ces terrasses sont représentatives de la manière dont ont été aménagées les moyennes montagnes par les populations de l'Himalaya.
Dans les vallées du Yarlung Tsangpo (Brahmapoutre) au Tibet, les Rongpas pratiquent une agriculture de subsistance en y faisant pousser quelques variétés de céréales nordiques et de légumes.
En Himalaya occidental, dans le haut bassin de l'Indus plus aride, les oasis du Baltistan et du Dardistan irrigués par les torrents empruntent plutôt au système d'agriculture répandu dans l'Himalaya inférieur. Les Gudjars du Cachemire de même que les Gaddis du Dhauladar mènent par ailleurs une vie pastorale. Ils pratiquent la transhumance saisonnière avec leurs troupeaux de chèvres et de moutons.
Haut Himalaya
Dans les plus hautes vallées du Sikkim, du Bhoutan, du Ladakh, du Népal et de l'Himachal Pradesh, la culture en terrasses n'est plus possible. Les pentes sont trop escarpées et le climat trop froid. Les populations pratiquent l'élevage de la chèvre, du mouton et, en très haute altitude, celui du yack en combinaison avec une agriculture de subsistance. On y cultive le fond des vallées pour y faire pousser de l'orge, du sarrasin et surtout des pomme de terre. Des populations semi-nomades y pratiquent aussi la transhumance saisonnière.
Namtso | Tibet
Haut plateau tibétain
Le haut plateau tibétain situé à une altitude moyenne de 4 000 mètres environ, est le domaine des Drokpas (Brogpas ou Changpa). Du fait de la rigueur du climat, plusieurs régions en haute altitude ne permettent pas aux populations de s'établir sur des terres se limitant à quelques hectares. Elles doivent donc se déplacer avec leurs troupeaux de moutons, de chèvres ou de yacks sur les grandes steppes herbeuses, à la recherche de pâturage.
La région du Namtso au Tibet est habitée par des semi-nomades. L'été, les troupeaux de yacks sont conduits dans les hauts pâturages. Les troupeaux sont ramenés dans les basses vallées à l'approche de l'hiver
Sur le haut plateau tibétain, au Changtang, au Qinghaï, au Ladakh, au Rupshu (Inde du nord), les Drokpas s'abritent sous des tentes en poils de yacks et alimentent leurs feux avec la bouse de cet animal, qui leur fournit également la viande, le lait, la laine et le cuir à la base de leur mode de subsistance. Leurs longues marches sont ponctuées d'arrêts à proximité des bazars où ils vendent leurs excédents pour acheter du riz et d'autres céréales.
Le nomadisme est en déclin partout cependant. De plus en plus de familles nomades possèdent désormais un camp d'hiver permanent. Au Tibet, le régime chinois, négocie des contrats de production avec les nomades, tâchant ainsi de les intégrer à une économie de marché. Le régime procède aussi à des relocalisations massives de nomades au sein de villages artificiels construits à la hâte. Cette intégration forcée a pour effet de rendre de plus en plus de nomades dépendants de l'appareil étatique et de permettre à l'État d'exercer un meilleur contrôle sur ces populations.
Aucune région ne se suffisant à elle-même, quel que soit le mode de vie qui la caractérise, le commerce est pratiqué à haute échelle partout. Il permet aux uns d'écouler leurs surplus et aux autres de s'approvisionner en denrées rares. Des caravanes de yacks et de mulets chargés de sacs lourds empruntent les vieilles pistes caravanières pour faire commerce. Ainsi, la laine et le sel tibétains sont échangés contre des céréales et des épices népalaises et indiennes. Jadis pratiqué sur une haute échelle, le commerce caravanier a toutefois diminué depuis l'annexion du Tibet par la Chine (1959) et l'ouverture du Karakoram Highway qui relie le Pakistan à la Chine (1988).
Niveau de vie
Les populations de l'Himalaya disposent d'un niveau de vie très bas. Le Népal et le Tibet se situent parmi les pays les plus pauvres du monde. Le revenu annuel moyen d'une famille au Népal est inférieur à 1 000 $ US. Certains auteurs l'estiment même à moins de 500 $ US. Le Ladakh et le Sikkim font partie des états les moins développés de l'Inde. L'éducation et les soins de santé ne sont pas accessibles à tous, notamment dans le haut Himalaya, en raison de la rareté des écoles et des hôpitaux. Certains dispensaires n'offrent pas de services à cause du manque de personnel ou de médicaments. Plusieurs écoles sont peu fréquentées parce que les enfants doivent participer aux tâches domestiques, les parents ne parvenant pas à y arriver seuls.
Nouveaux métiers
L'accroissement du tourisme d'aventure au cours des dernières décennies (expéditions de trekking, expéditions alpines sur les hauts sommets) a provoqué dans plusieurs régions himalayennes, un engouement pour les métiers de la montagne. Ces nouveaux métiers attirent particulièrement les jeunes gens et permettent à plusieurs de demeurer dans leur région plutôt que d'immigrer à la ville pour occuper des emplois peu rémunérés. Le tourisme a donc contribué au développement de certaines communautés mais a eu des effets beaucoup moins bénéfiques sur la culture des autochtones et l'environnement (voir la section Népal).
Urbanisation
En raison de son relief, l'himalaya n'est pas une zone propice au développement urbain. Les conditions plus hospitalières du Moyen Himalaya ont néanmoins favorisé l'émergence de quelques centres urbains importants : Katmandou au Népal, Srinagar au Cachemire, Darjeeling au Bengale et Shimla en Himachal Pradesh.
Tradition et modernisme
Semblablement aux modes de peuplement et aux systèmes socioculturels, les systèmes économiques et les modes de subsistance en Himalaya dénotent une bonne cohérence parce qu'ils traduisent en définitive, des adaptations de la vie humaine aux facteurs bioclimatiques qui façonnent l'étagement de la montagne. Pareillement, cette cohérence n'exclut pas la variété dans les détails.
Si les modes de subsistance y sont en général traditionnels, l'économie moderne a fait des percées. Certains grands axes routiers favorisent le déplacement des personnes et le transport des marchandises. Les petits aéroports se sont multipliés. Des ouvrages hydro-électriques ont été construits mais plusieurs fournissent de l'énergie davantage aux plaines environnantes qu'aux régions de montagne. Même Katmandou souffre de coupures de courant quotidiennement. Dans ces conditions, la grande industrie éprouve des difficultés à s'implanter tandis que la petite industrie gravite autour de l'artisanat. Il apparaît difficile d'arracher plusieurs régions à l'économie de subsistance, en raison sans doute d'un ensemble de facteurs : conditions topographiques, difficulté d'urbanisation, force des coutumes et traditions, pauvreté des populations et rareté des investissements.
Petit lexique
Pa :
mot tibétain signifiant communauté, peuple, celui qui vient de... Drok (ou
brog) : mot tibétain signifiant solitude, espace vide. Drokpa (ou
brogpa) : celui qui vient des grands espaces, nomades des hauts plateaux;
parfois appelé aussi Changpa. Rong :
mot tibétain signifiant grain. Rongpa :
celui qui habite le pays du grain, agriculteur sédentaire
des vallées. Somabrog :
semi-nomade se déplaçant entre les pâturages
d'été et son campement d'hiver.