« D'accord pour une visite du vieux Katmandou ? » demande Pascal. Nous nous donnons rendez-vous dans le jardin dès les bagages défaits. Le décalage horaire... au prochain voyage !
Nous partons en direction de Durbar Square. Les vendeurs ambulants, qui pullulent dans les rues, ont vite repéré les touristes fraîchement débarqués. Dès que les regards se croisent, cest lassaut. L'un d'eux me barre littéralement le chemin. « Tiger balm Sir ». Malgré mon insistance à lui dire que je ne suis pas intéressé, il saccroche, me vante les qualités de son baume magique et tente de me convaincre en abaissant son prix. Je me remets en marche. Il marche à mes côtés, cherche à attirer mon regard et me propose de lui faire une offre. Cest presqu'une supplication.
Puisque je lui prêtre attention, il saccroche et insiste, croyant sans doute que je suis sur le point de déclarer forfait. Il ne me laisse plus le choix. Je décide donc de l'ignorer en accélérant le pas et en fixant mon regard droit devant. Il lâche prise enfin sans manifester le moindre mécontentement, à mon grand étonnement.
Aussitôt, un autre vendeur, attendant sans doute son tour en surveillant la scène, se présente avec cette fois un kukhri, sorte de couteau traditionnel népalais. Il faudra sy faire, ainsi va le négoce à Katmandou. Pendant des siècles, cest par Katmandou que transitaient les marchandises servant aux échanges entre lInde et le Tibet. Les Newars, premiers habitants de la vallée, étaient de grands commerçants. À en juger par ces vendeurs de rues, leurs descendants nont rien perdu de cette passion pour le commerce !Les rues que nous empruntons sont flanquées de petites échopes où l'on vend vêtements, bijoux, objets souvenirs pour touristes, oeuvres d'art traditionnelles, matériel de montagne... Ici et là, encastrés dans le mur extérieur d'une maison ou érigés sur la devanture d'une échope, des petits sanctuaires abritent la statue d'une divinité. Les Népalais y honorent leurs dieux lors de leurs déplacements.
Durbar Square rassemblent de nombreux temples dédiés aux dieux Shiva, Vishnu, Ganesh, Bhairab, aux déesses Taleju et Parvati et aux innombrables autres divinités composant le panthéon hindouiste. Des temples petits et grands, en briques ou en pierres, carrés ou rectangulaires, à deux, trois ou quatre toits superposés, dont la plupart sont manifestement mal entretenus. Au Népal, les dieux sont partout.
Durbar Square | Katmandou
Les Newars n'étaient pas que commerçants. Ils ont édifié dans la vallée une véritable civilisation. Outre les temples, les palais, statues et ouvrages en bois sculpté ornant sanctuaires et maisons en sont les témoins éloquents. Cette richesse artistique est particulièrement manifeste à Durbar Square et Basantapur Square, cur du vieux Katmandou, autrefois appelé Kantipur, la cité glorieuse.
Depuis le dernier gradin du temple Maju Deval dédié à Shiva, la vue sur lesplanade est exceptionnelle. On peut y observer le fourmillement des gens sur la place : vendeurs de rue harcelant les clients, conducteurs de rickshaws et de taxis hélant les touristes, porteurs de marchandises de toutes sortes ployant sous leur charge, enfants jouant au ballon, touristes photographiant, pour quelques roupies, de faux sadhus pomponnés pour loccasion.Plus loin sur le square se dresse le Kumari Bahal, la maison où habite Kumari, la déesse vivante. Personnifiée par une jeune vierge, la Kumari est considérée comme lincarnation de la déesse Taleju. La maison de briques aux multiples fenêtres est parée de boiseries finement sculptées. Dans la cour intérieure du bahal, se dresse un petit sanctuaire dédié à Bouddha. Prenons notre temps, peut-être verrons-nous la déesse ! Elle se montre à la fenêtre de temps à autre, surtout lorsque les visiteurs versent quelques roupies au surveillant de service. Mais aujourd'hui, point de surveillant. Sans doute dérangé par notre exploration des lieux, un rat longe le mur de la maison et y pénètre en se faufilant dans linterstice laissé par une porte mal fermée. Pas tout à fait lapparition que nous espérions !
La Kumari est associée à un vieux culte newar dorigine bouddhiste. À loccasion des grands festivals religieux, elle est promenée dans les rues de la ville sur son char de procession et reçoit lhommage de toute la population. Perdant son titre à la puberté, la jeune déesse est remplacée par une autre Kumari. Son destin nest pas toujours enviable. Jadis adulée par les foules, elle se retrouve du jour au lendemain presque ostracisée. Elle aura souvent difficulté à prendre mari car, selon la tradition populaire, épouser une ancienne Kumari porte malchance.
À quelques pas de la maison de la Kumari se dresse le Hanuman Dhoka. C'est dans ce palais qu'habitaient jadis les rois du Népal. Devant l'entrée principale (dhoka), trônant sous un dais, Hanuman, le dieu-singe, drapé dune longue cape dorée, garde lentrée principale du palais. Son visage, dissimulé sous une épaisse couche de pâte rouge appliquée par les fidèles jour après jour, témoigne de la grande dévotion dont il fait l'objet. Deux lions en pierre encadrent la porte du palais. L'un est monté par Shiva, l'autre par la déesse Parvati, son épouse. Le palais actuel, érigé au XVIIe siècle, a été rénové plusieurs fois depuis. Les plus anciennes cours (chowk) du palais sont aujourd'hui fermées.
La nuit tombe lentement. Nous retournons à Thamel en pressant le pas. Toujours là, les vendeurs ambulants nous proposent leurs babioles avec la même ardeur. À mots chuchotés, même du haschich. À Thamel, le resto où nous prenons le dîner est fort sympathique. Belle façon de terminer une journée riche de découvertes. Cette ville délabrée m'a séduit. J'aimerais y rester plus longtemps pour percer quelques uns de ses mystères. Après le thé, je cogne des clous. Le décallage horaire bien sûr ! Allons, un dernier effort, ce soir le sommeil est garanti.
Durbar Square, situé au sud de Thamel, constitue le coeur du vieux Katmandou. Il regroupe en réalité trois places contigues : Basantapur Square au sud, Durbar Square à l'ouest et son prolongement au nord-est donnant sur Makhan Tole. C'est sans doute l'un des premiers endroits à visiter. S'y trouvent notamment de nombreux temples à toits multiples, l'immense temple dédié à la déesse Taleju, Kasthamandap le plus vieil édifice de la vallée de Katmandou, le Kumari Bahal demeure de la déesse vivante Kumari et l'ancien palais royal Hanuman Dhoka. Il faut payer pour entrer sur le site.
LE SQUARE
Visite de Durbar Square : 200 NRs. Un fois le droit d'entrée acquitté,
il est possible de se procurer un laisser-passer pour pouvoir y retourner sans
devoir payer à nouveau.
HANUMAN DHOKA
Visite de Hanuman Dhoka : 250 NRs. Le palais ne peut être visité complètement.
Quelques cours sont fermées au public.
Temple Maju Deval
Les temples hindous abritent des petits sanctuaires de quelques mètres carrés. Les Népalais viennent y accomplir la puja, acte religieux visant à honorer le dieu habitant le sanctuaire au moyen d'offrandes.
Le plus beau temple de Durbar Square est sans contredit celui dédié à Taleju. D'une hauteur de 35 mètres, il est aussi le plus imposant de tous. Taleju est devenue la déesse tutélaire de la dynastie Malla au XIVe siècle. Le temple fut achevé vers le milieu du XVIe siècle. Malheureusement, il n'est pas ouvert au public, ni même aux Népalais, sauf à l'occasion de la fête de Dasain qui a lieu tôt à l'automne.
Portail du temple de Taleju
Temple de Shiva et Parvati
De nombreux temples hindous comportent des sculptures en bois illustrant des scènes érotiques. Ces sculptures ornent la plupart du temps les étais supportant les toits. Les personnages qui y figurent ont le plus souvent un caractère assez caricatural. Quant à la signification de ces sculptures, les avis divergent : manifestation réaliste d'une étape du cycle de la vie, rappel du rôle des dieux dans la création ? Il faut sans doute chercher dans le bouddhisme tantrique l'origine de cet aspect surprenant de l'art népalais. Surprenant en effet si l'on considère la grande réserve qu'observent les Népalais en matière d'habillement et de manifestation d'affection en public.
Stupa de Kathesimbhu
Crédits photo
Junu131 (à gauche) (Wikipedia)
Serge-A. Lemaire (à droite)