Il fait encore nuit. Cest venteux et très froid, même à labri du vent. Ayant enfilé plusieurs couches de vêtements, me voilà avec Jean-Guy et Antoine, serpentant à travers la pierraille dans la côte abrupte formée par la moraine du glacier Ngozompa afin d'assister au lever du soleil sur le Cho Oyu (8 153 m).
En haut, la vue sur le glacier est époustouflante. Une longue masse de glace grisâtre sétire à perte de vue. Le vent est glacial. En sautillant sur place, nous attendons que le Cho Oyu sorte de laube naissante. Caché derrière des parois immenses, le soleil semble samuser de nous. Je grelotte, je frissonne, je claque des dents. Nulle part où me mettre à labri. Je souhaiterais être tortue en ce moment pour menfoncer au fond de ma carapace.
Après un moment qui ma semblé interminable, le soleil laisse entrevoir sa courbure. Lentement, la masse grisâtre du Cho Oyu sillumine de poussières dor. Tout autour, lHimalaya séveille lentement. Les unes après les autres, les montagnes sallument, révélant tour à tour leurs couleurs de feu dans un scintillement éclatant... comme si les étoiles venaient s'y réfugier le jour venu. Lever de soleil... ou coucher d'étoiles ! Et moi, je suis là, flottant dans cet air mince, à contempler dame nature qui, ayant revêtu ses plus beaux habits, exhibe sans retenue, à la fois sa grâce et son gigantisme... un strip-tease à l'envers !
Le Cho Oyu
Pour atteindre la montagne, il nous faut d'abord traverser à gué un large torrent à la limite nord du lac. Nous amorçons la montée dans une pente raide et caillouteuse. Ce matin, Antoine, notre guide, me fait leffet dun berger. La meute de loups sest transformée en un troupeau de brebis. Le sentier se met à serpenter dans le flanc de la montagne adoucissant un brin la montée. Le groupe sest rapidement éparpillé. Je grimpe lentement, marrêtant souvent pour reprendre mon souffle. Malgré lessoufflement, je me sens en bonne forme ce matin. Jentends un grondement sourd. Sur une montagne voisine, un énorme mur de neige et de glace décroche et se pulvérise en éclatant au fond du ravin qui nous sépare d'elle.
La montée est longue. Le sentier s'amincit et la pente s'accentue. Le pas est de plus en plus lent. Malgré cette lenteur, le cur bat vite et je dois marrêter de plus en plus fréquemment. Que d'énergie ne faut-il pas dépenser pour gagner chaque mètre de dénivellation ! Plus haut, il n'y a plus de sentier. Plutôt, un amoncellement de grosses roches granitiques nécessitant de grandes enjambées pour s'y hisser. Je vois enfin battre au vent, les drapeaux à prières marquant le sommet. Le grand Sylvain, Stéphane et Jean-Guy touchent au but et me crient de loin leurs encouragements pendant que je me traîne les pieds dans la côte. Je m'arrête encore. Me remettre en mouvement m'est à chaque fois pénible. Je regarde le sommet et tâche d'évaluer si je peux donner « lassaut final » afin d'en finir. Allons-y. Cette fois, je marrêterai au sommet pas avant.
Au sommet, à bout de souffle, sans voix, un monde de titans s'offre à la vue. Je me sens minuscule. Sur 360 degrés, la vue est époustouflante. Le Cho Oyu (8 153 m), le Gyachung Kang (7 922 m), le Changtse (7 553 m), lEverest (8 850 m), le Lhotse (8 501 m), le Makalu (8 463 m) découpent le ciel tandis quen bas, le glacier Ngojumpa sétire sur des kilomètres. Le Cholatse (6 440 m), le Taboche (6 367 m), le Kangtega (6 685 m) et le Tamserku (6 608 m) viennent compléter cette superbe fresque du haut Himalaya du Khumbu.
Le pic de Gokyo (5 357 m) est balayé par de forts vents. Il fait très froid. Je tâche de mabriter derrière une immense dalle rocheuse pour me garder au chaud pendant que nous cassons la croûte. Quelques instants pour récupérer, quelques photos, un dernier tour dhorizon et nous amorçons la descente. À mi-chemin, la vue sur le grand lac de Gokyo est incroyablement belle. Jai soudain limpression d'un grand vide à quelques centaines de pas droit devant. Comme si le sentier s'arrêtait brusquement au bord dun ravin plongeant à la verticale dans le lac de Gokyo. Pourtant, en approchant du point de rupture appréhendé, il n'en est rien. Le sentier continue à zigzaguer dans la pente maintenant plus abrupte. La marche de retour est rapide et aisée.
Dudh Pokhari depuis le Gokyo Ri
Ce soir, je mange mes pâtes à la sauce tomate sans grand appétit et jattends avec impatience lheure du coucher. Pascal nous annonce une bonne nouvelle. Nous ferons la traversée du col Cho La. Malgré une tempête de neige qui a sévi dans cette région du Khumbu, il y a quelques jours, le col semble praticable. Une piste, même si enneigée, est ouverte. La prudence sera de mise. La nouvelle est accueillie avec joie par la plupart, même si nous savons tous que cette traversée sera difficile. Cest justement pour effectuer cette traversée que jai choisi cet itinéraire. À 19h30, je me réfugie dans mon duvet, bien au chaud, la tête remplie d'images toutes plus belles les unes que les autres. Les jours à venir sont tout aussi prometteurs semble-t-il.
Je me réveille, content davoir passé une très bonne nuit. Il fait encore noir mais le jour ne tardera pas à se lever. Jallume ma lampe frontale pour lire lheure sur ma montre : 23h20. Ouach ! Je n'ai rien d'autre à faire que de compter des montagnes
L'ascension du Gokyo Ri prend environ cinq heures (aller et retour) à rythme lent. La montée ne présente aucune difficulté technique mais il faut composer avec l'essouflement puisqu'on y dépasse la barre des 5 000 mètres.
Sentier d'approche au Gokyo Ri
Le sommet du Gokyo Ri offre une vue panoramique sur l'Himalaya du Khumbu. On peut y apercevoir quatre 8 000 mètres et d'autres sommets gigantesques. La vue sur l'Everest, quoique dégagée, n'y est pas aussi impressionnante que sur le sommet du Kala Pattar toutefois. Par contre, le Lhotse y est parfaitement visible.
Ci-dessous, des coéquipiers atteignent le sommet du Gokyo Ri où battent au vent des drapeaux à prières. Au Khumbu, la plupart des pics et des cols fréquentés sont ornés de ces petits drapeaux sensés protéger les lieux.
Au sommet du Gopkyo Ri
Les lacs de Gokyo figurent parmi les éléments qui font de la kharka de Gokyo, une halte ou une destination intéressante. Ils sont au nombre de six.
La kharka de Gokyo jouxte le troisième lac, le Gokyo Tsho ou Dudh Pokhari. Le Gokyo Ri offre le plus beau point de vue que l'on puisse avoir sur le Gokyo Tsho, la minuscule kharka de Gokyo et le glacier Ngozumpa.
Donag Tsho
Excursions : région de Gokyo
Gokyo Ri : environ 5 heures (A-R) (+610 m)
Donag
Tsho : 3 à 4 heures (A-R)
Ngozumpa
Tsho : 5 à 6 heures (A-R)
Knobby View : 8 heures (A-R)
Gyazumpa Tsho : prévoir un bivouac
Carte-itinéraire
Excursions dans la région de Gokyo