Il fait -14°C. Le vent est fort. Le morning tea nest daucun secours. Même en sautillant sur place et en tapant des mains, je ne parviens pas à me réchauffer. Nous prenons le petit déjeuner sur lherbe, mais ça na rien dun pique-nique. Plus vite jen aurai fini avec le porridge et les crêpes, plus vite je me mettrai en mouvement, mon souhait le plus cher en ce moment de misère. Eh oui, je préfère aller mesquinter dans une côte plutôt que de geler ici.
En attendant, comme un fauve en cage, je marche de long en large dans l'enclos à yacks. De lautre côté du muret, le yakier prépare la caravane. Il sapproche lentement et prudemment de lune des bêtes et la saisit par une corne. Sentant la main du yakier, le yack balance la tête brusquement, dans un geste dimpatience. Il sait sans doute ce qui l'attend. Puis, résigné, il avance à pas lents, vers les charges qu'il devra porter pour une autre longue journée de sa vie de yack.
Enfin, Pascal et Antoine sonnent le départ. La colonne se met en marche. Les yacks et les porteurs sont déjà partis. En un rien de temps, nous voici en train de grimper sur une arête. Le soleil est là, dans toute sa splendeur. Jai chaud. Il me faut vite enlever mon anorak. Combien de fois en une journée, faut-il se vêtir, puis se dévêtir avant de se revêtir plus chaudement encore à cause du vent froid qui souffle dans les vallées d'altitude plus exposées ? En peu de temps, on passe de la camisole légère à la laine polaire et à lanorak en Goretex.
La montée est raide et messouffle. Ça va plutôt flagada ce matin. Et dire quil y a à peine une heure, mon souhait le plus cher était de me retrouver au soleil à flanc de montagne. Le froid ou la pente ? Aucune importance, je néchapperai ni à lun, ni à lautre !La crête franchie, la vallée sélargit. Près de Pangka, les vues sont superbes. Le sentier redescend puis remonte tout en se rapprochant de la Dudh Kosi. En avant, la muraille blanche formée par le Cho Oyu (8 153 m) et le Gyachung Kang (7 952 m) à la frontière du Tibet, vient donner de l'éclat aux vastes paysages qui s'offrent maintenant à la vue. Le sentier longe une paroi rocheuse, se faufille entre d'énormes blocs rocheux, traverse un torrent sur un vieux pont de bois et atteint la moraine terminale du glacier Ngojumpa, un énorme amas de roches que le glacier a découpées à même le lit de la vallée lors de son avancée et qui se sont accumulées à son front. Nous nous y attaquons.
Progressant maintenant sur un sentier plus plat, la marche s'avère quand même essoufflante à cause de l'altitude qui dépasse 4 700 mètres. La couverture de neige a complètement transformé le paysage. Nous suivons notre caravane de yacks. À gauche du sentier, un premier lac aux eaux bleues cristallines indique que nous approchons de Gokyo. Nous nous y arrêtons pour une courte pause. En un lieu désigné Longpongo, un deuxième lac un peu plus grand, le Tsho Paluwa, aussi appelé Taboche Tsho, lui succède (tsho signifie lac en tibétain). Enfin, miroitant sous un soleil radieux, les eaux turquoises du Gokyo Tsho (parfois désigné Dudh Pokhari), le troisième lac de Gokyo, apparaissent au loin. Cest loasis dans le désert. Sur sa rive est se dresse la kharka de Gokyo. Quelques habitations modestes, entourées de petits pâturages découpés par des murets de pierres, sagrippent à la moraine latérale du glacier Ngojumpa, le plus long du Népal. Au-delà de cette kharka, il ny a plus dhabitations. Que l'mmensité. Que des montagnes barrant lhorizon jusquau Tibet.
La piste longe le premier lac de Gokyo
Nous lézardons au solei sur la terrasse du lodge devant lequel sont installées nos tentes Hi-Tech. Mais ce n'est pas tout à fait « A Room With a View ».... le film ! Je profite de la tranquilité du lieu pour mettre à jour mon carnet de voyage. Hélas, je n'arrive pas à traduire la beauté du paysage qui nous entoure. Lorsque je ferme les yeux, jai limpression d'une promenade en chaloupe sur le lac. Lorsque je me déplace, il me semble que le sol tangue sous mes pas. Réactions normales lorsqu'on approche la barre des 5 000 mètres.
Un vent léger sest levé et caresse la vallée. Je profite des derniers rayons de soleil. Lentement le brouillard simmisce entre les sommets. De fins voiles de vapeur séchappent des eaux turquoises qui se plissent sous leffet du vent, sengouffrant maintenant avec plus dardeur dans la vallée, tandis que le soleil décline, puis disparaît derrière la muraille. Le brouillard nous a rejoint. Lhiver est là de nouveau. Ce soir, chacun se présente à la tente-cuisine emmitoufflé sous plusieurs couches de vêtements.
En novembre 1995, une affreuse tempête de neige frappa cette région. Dans les jours qui suivirent, une avalanche emporta l'un des deux lodges de Pangka et tua treize trekkeurs japonais ainsi que les Sherpas qui les accompagnaient. Les lodges ont été déplacés depuis afin d'éviter pareil accident.
Région de Pangka
La piste traverse la région de Pangka sur un terrain relativement plat. Les sommets du Haut Himalaya commencent à se dessiner au loin.
Vue lointaine sur le Cho Oyu
En arrière-plan, la muraille blanche formée par le Cho Oyu et le Gyachung Kang apparaît dans toute sa splendeur.
À Longpongo, sur un terrain devenu plat et recouvert de neige, la piste longe les premiers et deuxième lacs de Gokyo, indiquant l'arrivée dans la région de Gokyo.
La caravane de yacks
nous devance la plupart du temps
La kharka de Gokyo est située sur la rive du grand lac de Gokyo (Dudh Pokhari). La vue au nord révèle l'immense muraille formée par le Cho Oyu et le Gyachung Kang qui délimite la frontière entre le Népal et le Tibet.
C'est l'endroit idéal pour la deuxième pause acclimatation. Étape du trek long conduisant au camp de base de l'Everest, Gokyo constitue pour certains une destination en soi vu la beauté de ses paysages et les possibilités d'excursions que l'on peut y faire. Le niveau de confort qu'offrent les lodges à Gokyo n'a rien de comparable à ce qu'on trouve à Namche Bazar. Considérant toutefois l'éloignement de cette kharka, la qualité des lodges est jugée tout à fait correcte par la plupart des guides de trekking. On peut aussi faire du camping à proximité des lodges.
Kharka de Gokyo
Étape Machhermo-Gokyo
Durée : environ 5 heures
Dénivelés : + 300 m / - négligeable
Gîte
et repas : Pangka, Gokyo
Carte-itinéraire
Machhermo-Gokyo