Je ne perds pas de temps à faire mes bagages et je me joins aux autres pour le petit déjeuner. Les cuisiniers et les porteurs partent les premiers pendant que nous nous badigeonnons de crème solaire. On croirait à un départ pour la plage. Nous nous échappons du village par un sentier étroit tracé à flanc de montagne. Le soleil est maintenant au dessus des crêtes. Impossible de lui échapper, le flanc de la montagne est dénudé. En un rien de temps, je me retrouve en camisole légère avec un sac à dos rempli de vêtements inutiles... pour l'instant !
Des thars, chèvres sauvages de lHimalaya, broutent dans les buissons rabougris à flanc de montagne. Le sentier s'étire en avant. et la vue porte loin. À gauche, une paroi à pente très accentuée. À droite, un ravin. Le paysage est superbe mais à certains endroits, il vaut mieux regarder où lon met les pieds. Étourdi par moment, l'altitude sans doute, je prends solidement appui sur mes bâtons. Nous croisons plusieurs caravanes de yacks. Lorsque les yacks ralentissent le pas ou s'arrêtent à la vue de notre groupe déambulant à la file indienne sur l'étroit sentier, un cri du yack-pa ou une petite pierre habilement lancée sur le yack de tête suffit pour remettre la caravane en marche. Nous dégageons rapidement le sentier en nous rangeant du mieux que l'on peut le long de la paroi tandis que les yacks reprennent le pas en longeant le bord du précipice.
La piste des yacks
Le sentier monte à travers une arête descendant du Khumbila (Khumbu Yul Lha) , une montagne abritant le dieu protecteur du Khumbu. À Mong (Mohang), un chorten se dresse au bord du sentier et rappelle le lieu de naissance de Lama Sangwa Dorje, saint patron du Khumbu, fondateur de plusieurs gompas (monastères bouddhistes) et réincarnation, disent les Sherpas, d'un Grand Lama du monastère de Rongbuk au Tibet. Près de Mong, les vues sont spectaculaires. LAma Dablam (6 856 m), qui m'apparaît comme une grande dame voilée aux bras accueillants, exibe ici toute sa splendeur. Cette superbe montagne, la plus belle de toutes selon moi, domine tout le paysage, comme sil nétait là que pour la mettre en valeur. Nous nous arrêtons enfin sur un replat pour le déjeuner, à environ 3 950 mètres. Je fais de mon mieux mais l'appétit n'y est pas. Nous faisons une longue pause car nous avons du temps aujourd'hui.
L'Ama Dablam dans toute sa splendeur
Puis nous amorçons une descente et perdons presque tout le gain daltitude gagné si chèrement en avant-midi. Consolation toutefois, cette succession de montées et de descentes est excellente pour lacclimatation. En effet, le meilleur moyen de sacclimater consiste à monter, puis à descendre avant de remonter à une altitude plus élevée encore. Cest pourquoi, on conseille souvent aux trekkeurs de dormir à une altitude plus basse que le plus haut point atteint durant la journée, surtout lorsquils éprouvent des difficultés à sacclimater. Durant cette descente interminable, les vues sur Phortse, un village sur la rive opposée de la Dudh Kosi, et sur la profonde gorge que cette rivière a creusée à cet endroit, sont saisissantes.
Après cinq heures de marche, nous voici de nouveau au bord de la Dudh Kosi. Le camp a été installé sur la rive, à environ 3 500 mètres daltitude, non loin de Phortse Thanga. La petite clairière, où est niché le camp, est entourée d'une forêt de pins. On entend le torrent qui gronde tout près. Daniel et Jean-François trouvent le courage daller y faire trempette. Ils en reviennent frais et propres à rendre les autres jaloux.
La soupe aux petits légumes et les pâtes aux tomates sont excellentes ce soir. Même que jen redemande. Bon signe. Nous faisons le décompte. Le gain de la journée ? Oublions ça ! Il est près de 20h00. Les silences se font de plus en plus longs. Je dors debout. Après le briefing sur les points saillants de litinéraire du lendemain, chacun se retire dans ses quartiers. Seul Jean-Guy déplore que lon se couche aussi tôt.
Vers 3h30, je narrive plus à dormir. Je vais faire les cent pas autour du camp. La nuit est claire et le ciel himalayen, superbe. Personne à qui faire la causette... évidemment. Nouvelle tentative pour récupérer un petit bout de sommeil. Peine perdue. Mon insomnie nest pas sans déranger Jean-Guy j'imagine. Pourtant, jamais je ne lentends se plaindre de quoi que ce soit. Je ne sais jamais sil dort ou pas. La nuit, Jean-Guy ne bouge pas, ne ronfle pas, ne se lève pas. Un vrai sphinx.
Le paysage change au gré de la montée. La végétation devient de plus en plus éparse. Les sommets recouverts de neige se rapprochent. Souvent exposés à flanc de montagne, les sentiers s'étirent en ligne presque droite puis s'affolent soudainement en zigzaguant pour franchir des passages très escarpés.
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Les yacks constituent le moyen de transport par excellence du haut Himalaya. On raconte des histoires dhorreur à propos de trekkeurs précipités dans le vide par ces bêtes. N'exagérons rien. Certes, les yacks ont la réputation d'avoir mauvais caractère et d'être imprévisibles. Certes, quelques accidents leur sont imputables. Aussi, des précautions simposent. Même si ces buffles à longue toison ont le pied sûr, dans un passage risqué, mieux vaut ne pas laisser l'une de ces bêtes choisir entre elle ou vous. Ici, les caravanes ont la priorité. Les trekkeurs doivent leur céder le passage en se rangeant sur le côté du sentier le plus sûr. Il vaut sans doute mieux ne pas s'engager sur un pont suspendu lorsqu'une caravane est en train de le franchir en sens inverse.
Droit devant... yack sur la piste !
Phortse Thanga compte quelques lodges et des emplacements magnifiques pour le camping sur la rive de la rivière Dudh Kosi. On peut même s'y baigner en restant près de la rive, si le débit du torrent le permet et à la condition de ne pas craindre l'eau froide.
Étape Namche-Phortse Thanga
Durée : environ 5 heures
Dénivelés : + 530 m / - 300 m
Gîte
et repas : Mong, Phortse Thanga
Carte-itinéraire
Namche Bazar-Phortse Thanga